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LIGNE DE RIVE sarl d'architecture
 
                                 
                                 
                                 
 

 

 

 
 
 
 

 

Dans notre manie de tout classer et de bien ranger, nous avons décidé au XIX° siècle que l'architecture serait le premier des beaux-arts, étant le plus lourd à mettre en œuvre, et ses œuvres étant les plus difficiles à déplacer. Et nous n'avons eu de cesse de revendiquer qu'elle était un art, quitte à appeler les autres à la rescousse : l'architecture n'est-elle pas une sculpture habitable, ou l'art de sculpter le vide, ou de sculpter la lumière ? Ne peut-on pas voir les bâtiments comme des cadres mettant en valeur des vues, des perspectives, des paysages, auxquels ils participent eux-mêmes. Et ne peut-on pas les imaginer comme une scénographie d'évènements, de perceptions. Et pourquoi ne pas considérer l'architecture comme une forme de poésie ?

 

 
 
 
 

 

Jusqu'au jour où les soixante-huitards ont fait sortir l'enseignement de l'architecture des écoles de beaux-arts et lui ont revendiqué une approche sérieuse et sociologique propre à lui redonner le sens des réalités humaines, urbaines, économiques, juridiques, techniques... La vraie vie quoi !

 

 
 
 
 

 

Les chinois et leurs voisins d'Orient peuvent nous aider à nous libérer de notre conception classique de l'art. Regardons les faire des taches avec leurs pinceaux. C'est pour eux un art ancestral, millénaire, qui culmine dans l'art du sumi-e et leur impose jusqu'à la manière d'écrire chacune des lettres de leur alphabet. Pour les jeunes chinois ou les mandarins, c'est un art aussi contraint et étouffant que peuvent l'être pour nous nos beaux-arts. Mais pour les barbares débutants que nous sommes, il y a une grande libération à s'appliquer à faire des taches à leur manière.

 

 
 
 
 

 

Avant d'être passé maîtres en la matière, les chinois ont d'abord du inventer le papier. Ils en ont perfectionné la fabrication pendant deux millénaires, choisissant les végétaux dignes d'être employés, améliorant la manière d'en extraire les fibres, trouvant les meilleurs procédés pour en former une pâte, en tirer des feuilles, les presser et les faire sécher. Au point que ces papiers sont devenus si fins, si solides et si sensibles qu'ils réagissent à la moindre pression du pinceau, à la moindre goutte d'encre, à la moindre trace d'encre laissée même par le poil désobéissant du pinceau.

 

 
 
 
 

 

Ensuite, ils sont partis couper la laine la plus soyeuse de leurs chèvres, les plus beaux crins de leurs chevaux. Ils sont entrés dans les bois pour attraper les écureuils, les lapins et les belettes et leur prendre le plus beau de leurs pelages. Ils ont couru les montagnes à la recherche des loups, des ours ou des loutres. Et ils sont alors retournés chez eux, dans leurs maisons confortables, et y ont vu les cheveux soyeux de leurs femmes et de leurs enfants, et les ont coupés à leur tour. Et ils ont confectionné des pinceaux qui ont emprisonné dans leurs soies tout l'univers, l'air des montagnes et la force des rocs, les ombres et les bruits des forêts, les eaux courantes des ruisseaux et des fleuves, et la douceur de leurs foyers.

 

 
 
 
 

 

Après il leur a fallu fabriquer l'encre : en choisissant quels bois ou quelles huiles donnaient les plus belles cendres. En cherchant quelle colle et quelle résine permettait de les réunir en un corps malléable. Et en trouvant les sucs mystérieux qui donnaient de la profondeur aux noirs, un parfum subtil et envoutant à l'encre, et rendait les œuvres capables de défier le temps.

 

 
 
 
 

 

Alors enfin, ils purent s'assoir devant la table, faisant le vide et le silence, prenant un de leurs pinceaux chargés d'univers, le trempant dans l'encre remplie de mystères, et, écoutant le monde entier autour d'eux, et se laissant porter par la vie qui les animait, ils posèrent le pinceau sur une de leurs feuilles si sensibles, et firent une tache, un ligne, un mouvement. Et cette simple marque sur le papier emprisonnait à elle seule tout leur univers et tout leur esprit.

 

 
 
 
 

 

Loin de moi de dire qu'un architecte doit courir les loutres dans la montagne ou couper les cheveux de sa femme ou de son mari. Mais, une fois réuni le souvenir de nos précurseurs et entendu le bruit de notre monde, après avoir parcouru le terrain et observé son environnement, ayant pris connaissance de toutes les aspects juridiques, techniques et financiers en jeu, ayant exploré toutes nos attentes et nos objectifs ..., mettons nous devant notre feuille blanche... et faisons une tache qui nous ressemble.